MOOC:Compagnon Act14-s7
From Livre IPv6
Activité 14 : L'utilisation des adresses unicast
Introduction
Lors de l'activité précédente, nous avons vu que les adresses IP unicast sont construites en combinant 2 éléments (voir la figure 1). Le premier élément vise à localiser le réseau dans l'Internet. Il sert à l'acheminement des paquets à travers l'Internet ou à travers l'interconnexion pour les infrastructures privatives. Le second élément identifie l'interface au sein de son réseau. Il sert à la remise directe du paquet à l'interface de destination sur le dernier saut de l'acheminement. Dans cette activité, nous nous intéressons à la construction de ces adresses unicast. Pour la partie préfixe de réseau, il s'agit de définir un plan d'adressage. Ce plan d'adressage est organisé de manière hiérarchique afin de permettre la délégation pour une gestion décentralisée mais aussi rendre les préfixes agrégables. L'objectif, dans ce dernier cas, est de constituer des tables de routage les plus concises possibles. Pour IPv6, vu la taille de l'espace d'adressage, cette caractéristique d'agrégation est essentielle. Dans cette activité, nous allons indiquer les différentes façons de numéroter les réseaux. Pour la partie identifiant d'interface, l'objectif est de définir un identifiant, si possible automatiquement, qui soit unique au sein du lien. Nous allons étudier les différentes techniques de constructions de ces identifiants. Mais avant, nous allons rappeler une caractéristique d'IPv6 dans l'utilisation des adresses unicast, à savoir la possibilité d'avoir plusieurs adresses unicast allouées à une interface de communication. Ces adresses multiples peuvent être utilisées simultanément ou l'une après l'autre. Un mécanisme de vieillissement est donc nécessaire pour limiter la validité d'une adresse.
Enfin, pour conclure cette introduction, signalons que les conseils donnés par RIPE NCC sont précieux pour toutes personnes amenées à concevoir un plan d'adressage[1]. L'IETF a également édité un recueil de conseils pour le déploiement d'un réseau IPv6 par le RFC 7381.
Adressage multiple des interfaces
En IPv6, les interfaces de communication des noeuds disposent simultanément de plusieurs adresses. En effet, une interface dispose au moins d'une adresse purement locale sur son lien local (l'adresse lien-local). Celle-ci est automatiquement affectée à l'interface lors de la phase d'activation de cette dernière par le système d'exploitation. Selon la nature du lien de rattachement (liaison point à point, domaine de diffusion ethernet filaire ou wifi...), l'interface peut également disposer d'une ou plusieurs adresses routables soit localement (cas des adresses ULA), soit globalement (cas des adresses publiques : GUA). Ces adresses unicast routables sont constituées en associant le préfixe réseau associé au lien à l'identifiant d'interface. L'affectation de ces adresses routables peut être fait soit par l'administrateur système de la machine, soit par le réseau en s'appuyant sur les mécanismes d'auto-configuration "avec" ou "sans état", comme nous le verrons dans une séquence ultérieure. La figure 2 illustre l'adressage multiple d'une interface de communication pour un noeud.
Nous savons, depuis l'activité "qu'est ce qu'une adresse IP ?", que les adresses IP ne sont pas permanentes. L'adresse IP a une durée de vie régie par des états. Ces états sont : provisoire, préféré, déprécié et invalide. Aussi, il faut comprendre qu'une adresse IP n'est allouée que temporairement à une interface. Il faut voir l'allocation comme un bail de location. Pour continuer d'utiliser une adresse IP, à l'expiration du bail, il faut procéder au renouvellement du bail. Ainsi, le système d'exploitation a en charge de renouveler périodiquement l'allocation d'une adresse IP en cours d'utilisation. Autrement, l'adresse passe dans l'état déprécié afin de rendre inutilisable cette adresse pour les nouvelles connexions et permettre de terminer les sessions et les connexions existantes. Il faut alors, dans un même temps, une nouvelle adresse valide pour les nouvelles connexions ou sessions applicatives. L'idée que les adresses IP sont allouées temporairement trouve sa motivation de rendre la renumérotation d'un réseau facile. La renumérotation d'un réseau consiste à remplacer un préfixe réseau par un autre. L'opération de renumérotation peut s'avérer nécessaire lorsque l'organisation change de fournisseur d'accès à Internet ou que le plan d'adressage est devenu obsolète. Il n'en reste pas moins que malgré les facilités qu'offrent IPv6, la renumérotation d'un réseau reste une opération périlleuse [RFC 5887].
Nécessité d'organiser un plan d'adressage
L'espace d'adressage IPv6 est « astronomiquement » grand. Il s'ensuit que le plan d'adressage unicast global adopté aujourd'hui est organisé hiérarchiquement. À l'instar du réseau téléphonique historique, où les appels sont routés en fonction d'un préfixe national (exemple le +33 pour les appels vers la France), l'Internet est bâti selon une organisation hiérarchique. Cependant, cette hiérarchie n'est pas d'ordre géographique mais plutôt administrative et organisée en « régions » (Amérique du nord, Asie Pacifique, Europe,...). Chaque région est gérée par un registre Internet régional (Regional Internet Registry ou RIR). Cette organisation se retrouve au moment de l'acheminement des datagrammes dans l'Internet. Les opérateurs du cœur de l'Internet routent (aiguillent) les datagrammes selon les préfixes les plus courts. Les RIR leur attribuent des préfixes courts, car le rôle de ces opérateurs internationaux est d'acheminer les datagrammes vers les grandes zones régionales de l'Internet. Ces opérateurs délèguent ensuite à leur clients, registres locaux (LIR) ou opérateurs, des préfixes un peu plus longs, afin qu'eux même puissent déléguer des préfixes à leurs clients ou organisations utilisatrices pour acheminer les datagrammes vers leurs propres réseaux. Ainsi un utilisateur final : organisation, entreprise ou particulier se verra déléguer par son fournisseur d'accès Internet (FAI) un préfixe d'une longueur comprise, en général, entre 48 et 64 bits. La zone de l'adresse, comprise entre la longueur du préfixe alloué par l'opérateur et la limite du /64 des adresses unicast est parfois qualifiée de SID (Subnet ID). En effet elle permet à l'administrateur, d'adresser entre un unique réseau (cas où le client à obtenu un préfixe /64 de son FAI) et 65536 réseaux (cas où le client a obtenu délégation administrative, de son fournisseur d'accès, sur un préfixe /48 : il dispose alors de 16 bits (entre 48 et 64) pour numéroter 2 puissance 16 soit 65536 réseaux). C'est cet espace de l'adressage, dont l'administrateur réseau a la responsabilité, qu'il s'agit d'organiser pour déployer efficacement les réseaux de son organisation. Nous allons maintenant présenter différents modes d'organisation possibles en nous appuyant sur le RFC 5375.
Politique d'assignation des adresses
Les spécifications primitives d'assignation des adresses [RFC 3177] aux utilisateurs finaux recommandaient d'allouer :
- /48 (65536 sous-réseaux) dans le cas général,
- /64 (un sous-réseau unique) lorsqu'un et un seul réseau physique était nécessaire,
- /128 (adresse unique) lorsqu'il était absolument connu qu'un et un seul équipement était connecté.
Le RFC 6177, également connu sous BCP157 (Best Current Practice), est venu remettre en cause les certitudes initiales et le « /48 pour tout le monde » n'est plus la recommandation officielle. La taille du préfixe est maintenant laissée à la discrétion du fournisseur avec la recommandation « floue » d'allouer un bloc d'adresses adapté aux besoins de l'utilisateur en évitant l'allocation d'un réseau unique. Ainsi, si un /48 est adapté pour un réseau de campus, il est clairement surdimensionné dans le cadre d'un usage domestique. Inversement, le réseau unique en /64 est notablement insuffisant ; les besoins actuels et futurs de la plupart des foyers nécessiteront sans doute quelques réseaux cloisonnés en fonction des usages : réseau général (accès internet, les réseaux sociaux, le multimédia...), réseau domotique (lave-linge, sèche-linge, réfrigérateur...), réseau de commande périmétrique (volets, alarme, chauffage, aquarium...), sans parler des promesses médiatiques de l'Internet des objets (IoT Internet of Things). Pour les utilisateurs dits « grand public » ou les sites de taille modeste, un préfixe /56 ou /60 semble donc plus approprié.
Préfixes de sous-réseaux (SID Subnet IDentifier)
Les sous-réseaux IPv6 devraient s'aligner sur les préfixes de longueur /64. Des tailles supérieures sont possibles, mais ne sont pas sans poser problème pour les mécanismes de contrôle tels que l'auto-configuration des adresses, couramment utilisée, et qui présupposent des préfixes des sous-réseaux alignés sur 64 bits. Ces mécanismes d'auto-configuration seront abordés dans une séquence ultérieure.
Cas particulier des liaisons point à point
Les liaisons point à point, qu'elles soient concrètement louées auprès du service idoine d'un opérateur (liaison spécialisée, fibre noire...) pour assurer l'interconnexion de deux sites géographiquement distants, ou qu'elles soient logiquement établies sous forme de tunnels (Ip dans IP, VPN MPLS, tunnel IPSec…) constituent un cas particulier. Dans le cas général, on peut allouer un préfixe /64 à chacune des liaisons. Cependant, sur des réseaux maillés où le nombre de liaisons point à point est quelconque, attribuer un /64 à chacune de ces liaisons n'est pas efficace. La caractéristique d'une liaison point à point est de relier uniquement une interface à chacune de ses extrémités, ne nécessitant, de fait, que deux identifiants distincts. De plus, ces liaisons sont administrées et ne sont, en général, pas tributaires d'un mécanisme d'auto-configuration. Aussi, attribuer un /64 offrant la possibilité d'adresser 2 puissance 64 interfaces à un support limité à deux, et uniquement deux interfaces, conduit à la perte de ((2 puissance 64) - 2) adresses qui resteront non attribuées. L'utilisation d'un /64 sur une liaison point à point peut conduire à des problèmes de sécurité (RFC 6164): soit sous la forme d'aller-retours de datagrammes sur cette liaison (syndrome de la balle de ping-pong) entraînant une congestion du support, ou soit sous la forme de déni de service des routeurs connectés au lien au travers d'une saturation des caches de découverte des voisins. A défaut d'un /64, quel est le préfixe approprié pour ce type de liaison ?
- /127 serait possible dans la mesure où IPv6 n'a pas d'adresse de diffusion (identifiant de host tout à 1 dans le cas d'IPv4). Cependant, l'adresse tout à zéro de chaque sous-réseau est réservée comme l'adresse anycast des routeurs (« all routers anycast address »), ce qui signifie que le plupart des routeurs sont susceptibles de recevoir des datagrammes de service sur cette adresse.
- /126 évite le problème de l'adresse anycast tout à zéro. Cependant, les 128 adresses hautes de chaque sous-réseau sont également réservées pour diverses adresses de anycast (RFC 2526) ; bien que, dans la pratique, cela ne semble pas poser de problème.
- /120 permet de s'affranchir des adresses anycast réservées.
- /112 permet de s'affranchir des adresses anycast réservées et a, en plus, l'avantage d'être facilement lisible par les opérateurs humains car aligné sur le mot de 16 bits final (celui affiché après le dernier séparateur :, cf activité 12 « Notation d'une adresse IPv6 »).
Le RFC 6164 recommande l'utilisation d'un préfixe de longueur /127 pour IPv6, ne permettant ainsi que deux adresses IP.
Représentation des subdivisions
Dans la suite de cette activité, nous raisonnerons sur la base d'un préfixe de 48 bits (espace SID de 16 bits). Les exemples décrits sur la base d'adresses documentaires pourront ainsi illustrer aussi bien un contexte de réseaux publics (un préfixe /48 unicast global) qu'un réseau privatif (préfixe /48 d'adresse locale unique ULA). Cependant, les règles d'ingénierie présentées pourront également se décliner de manière plus limitée sur des préfixes plus longs /56 ou /60 avec un espace SID réduit à 8 ou 4 bits.
Nous supposons que le préfixe pour notre activité est 2001:db8:cafe::/48. Le préfixe est obtenu :
- soit par allocation de notre fournisseur d'accès dans le cadre d'un adressage unicast global routable sur l'Internet public,
- soit par algorithme conforme RFC 4193 dans la cadre d'un adressage privatif (ULA Unique unicast Local Address).
Nous disposons donc d'une zone SID de 16 bits permettant de distinguer 65536 sous-réseaux possibles en préfixes de 64 bits (de 2001:db8:cafe::/64 à 2001:db8:cafe:ffff::/64).
Convention de notation binaire du champ SID
Dans cette présentation, nous adoptons les conventions de notation suivantes pour les illustrations et exemples :
Comme les 48 premiers bits sont administrativement fixés et que les 64 bits de poids faible sont réservés pour l'identification de l'interface, chaque référence de sous-réseau sera portée par les bits 48 à 63 (L'IETF numérote les bits en démarrant de zéro de la gauche (most significant : poids fort) à la droite (least significant : poids faible).
Exemple :
2001:db8:cafe:{LLLLTTTTBBBBBBBB}::/64
ou
2001:db8:cafe:ltbb::/64
- Chaque lettre majuscule encadrée par '{' et '}' représente 1 bit du champ SID. 4 bits successifs représentent un quartet également appelé « nibble » ;
(Un nibble (ou plus rarement nybble) est, en informatique, un agrégat de 4 bits, soit un demi-octet. On trouve aussi les termes francisés semioctet ou quartet , source wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Nibble). 1 quartet peut prendre une valeur entre 0 et 15 et peut se représenter par 1 chiffre hexadécimal (0..9, a..f) (cf. vadémécum de notation hexadécimale) ; - Les chiffres et lettres minuscules ['a'..'f'] représentent la valeur hexadécimale d'un quartet ;
- Dans cette présentation, nous subdivisons les 16 bits du SID en groupes distingués de la manière suivante :
- B : bit non défini et assignable ;
- L : bit assigné à l'identification de la localisation du sous-réseau ;
- T : bit assigné à l'identification du type de sous-réseau.
Ainsi, l'exemple précédent où les 16 bits SID sont positionnés à la valeur {LLLTTTTBBBBBBBB} produira des préfixes IPv6 du type 2001:db8:ltbb::/64. Inversement, si l'on choisit de positionner les bits de "type de sous-réseau" sur le quartet de poids fort et les bits de localisation sur le quartet de poids faible du 1er octet SID de cette manière {TTTTLLLLBBBBBBBB}, cela produira un préfixe de type 2001:db8:tlbb::/64.
Identification locale : l'IID (Interface IDentifier)
Les identifiants d'interfaces des adresses unicast sont utilisés pour identifier de manière unique les interfaces des équipements sur un lien ou un domaine de diffusion de niveau 2 (VLAN). Ils doivent absolument être uniques pour le domaine couvert par un sous-réseau. Toutefois, l'unicité d'un identifiant d'interface peut être de portée beaucoup plus large, voire globale, à l'image des adresses MAC dont l'unicité est mondiale. Dans certains cas, l'identifiant d'interface sera dérivé directement de l'adresse de niveau liaison de données (adresse MAC de la carte Ethernet par exemple).
Pour les adresses unicast, à l'exception des adresses non spécifiées ou de l'adresse de bouclage (loopback) (celles commençant par 000), l'identifiant d'interface doit avoir une longueur de 64 bits. La taille de 64 bits permet d'approcher une probabilité de conflit quasi nulle.
Si, initialement, pour des raisons d'auto-configuration, l'identifiant d'interface devait nécessairement être dérivé de l'adresse de niveau 2 (adresse matérielle), c'est de moins en moins le cas. Il existe plusieurs méthodes pour construire cette valeur de 64 bits [RFC 4941] :
- manuelle,
- basée sur l'adresse de niveau 2 de l'interface [RFC 4291],
- temporaire aléatoire [RFC 4941],
- stable opaque [RFC 7217]
- cryptographique [RFC 3972].
Identifiant manuel
Pour les serveurs les plus utilisés, il est préférable d'assigner manuellement des adresses aux interfaces car, dans ce cas, l'adresse IPv6 est facilement mémorisable et le serveur peut être accessible, même si le DNS n'est pas actif.
Nota : Le résolveur DNS est le cas le plus emblématique. Chaque machine sur le réseau doit être configurée avec son client DNS pointant vers l'adresse du serveur DNS. Si celui-ci a un identifiant d'interface basé sur l'adresse de niveau 2, en cas de changement de la carte réseau sur le serveur DNS, l'ensemble des machines du domaine devraient être reconfigurées. Si l'on ne souhaite pas utiliser de protocole de configuration automatique tel DHCPv6, il est préférable d'attribuer au serveur DNS une valeur manuelle d'identifiant d'interface. Cette valeur statique sera stable dans le temps et pourra être utilisée pour référencer le résolveur DNS sur la configuration de l'ensemble des machines du réseau.
Il existe plusieurs techniques plus ou moins mnémotechniques :
- Incrémenter l'identifiant d'interface à chaque nouveau serveur créé.
2001:db8:1234:1::1
2001:db8:1234:1::2
- Reprendre le dernier octet de l'adresse IPv4 comme identifiant d'interface. Par exemple, si un serveur a comme adresse IPv4 192.0.2.123, son adresse IPv6 pourra être :
2001:db8:1234:1::7B
ou plus simplement
2001:db8:1234:1::123
- Reprendre l'adresse IPv4 comme identifiant d'interface, bien que cela ait l'inconvénient de conduire à des adresses plus longues à saisir :
2001:db8:1234:1::192.0.2.123
Identifiant dérivé de l'adresse matérielle de l'interface
L'avantage d'utiliser une adresse de niveau 2 pour construire un identifiant d'interface est que l'unicité de cette valeur est presque toujours assurée. En plus, cette valeur est stable tant que la carte réseau de la machine n'est pas changée. Par contre, ces valeurs sont difficilement mémorisables.
Les adresses lien-local sont en général construites en utilisant ce type d'identifiant. Par contre, pour les adresses globales, il est conseillé de ne les utiliser que pour les machines clientes et de préférer les identifiants d'interfaces manuels pour les serveurs.
Ces identifiants d'interfaces étant stables dans le temps, à chaque fois qu'un individu change de réseau, il change de préfixe, mais garde le même identifiant d'interface. Ce dernier pourrait donc servir à tracer les déplacements d'un individu[2]. Ce sujet de traçabilité et de respect de la vie privée a fait l'objet d'une prise de conscience collective suite à une actualité récente (affaire Snowden, surveillance de masse par les états, écoute de la NSA...). Mais, la traçabilité par l'identifiant d'interface n'en est qu'un des éléments car les cookies mis en place par les serveurs web ou les recoupements des infos personnelles déposées sur les réseau sociaux sont bien plus efficaces ; mais ils ne s'agit plus d'un problème réseau. Autre désavantage, comme les adresses MAC contiennent l'identification du matériel, il est possible d'indiquer à l'extérieur du réseau quel type de matériel est utilisé et donner des indications.
Si ces inconvénients sont jugés importants par l'entreprise, l'identifiant d'interface pour les adresses globales peut être généré aléatoirement.
Identificateur EUI-64
L'IEEE a défini un identificateur global à 64 bits (format EUI-64) pour les réseaux IEEE 1394 (firewire) ou IEEE 802.15.4 (réseau de capteurs) qui vise une utilisation dans le domaine de la domotique. L'IEEE décrit les règles qui permettent de passer d'un identifiant MAC codé sur 48 bits à un EUI-64.
Si une machine ou une interface possède un identificateur global IEEE EUI-64, celui-ci a la structure montrée par la figure 7. Les 24 premiers bits de l'EUI-64, comme pour les adresses MAC IEEE 802.3, identifient le constructeur. Les 40 autres bits identifient le numéro de série (les adresses MAC IEEE 802 n'en utilisaient que 24). Les 2 bits, u (septième bit du premier octet), et g (huitième bit du premier octet) ont une signification spéciale :
- u (Universel) vaut 0 si l'identifiant EUI-64 est universel ;
- g (Groupe) indique si l'adresse est individuelle (g = 0), c'est-à-dire désigne un seul équipement sur le réseau, ou de groupe (g = 1), par exemple une adresse de multicast.
Dans le cas d'IPv6, l'identifiant d'interface à 64 bits peut être dérivé de l'EUI-64 en inversant le bit u comme le montre la figure 8. En effet, pour la construction des adresses IPv6, on a préféré utiliser 1 pour marquer l'unicité mondiale. Cette inversion de la sémantique du bit permet de garder la valeur 0 pour une numérotation manuelle, autorisant à numéroter simplement les interfaces locales à partir de 1.
Identificateur MAC-48
Si une interface possède une adresse MAC IEEE 802 à 48 bits universelle (cas des interfaces Ethernet ou Wi-Fi), l'adresse est tout d'abord convertie en EUI-64 par l'insertion de 16 bits à la valeur 0xfffe, puis le bit u est mis à 1 comme dans le cas précédent. La figure 9 illustre ce processus.
Cas Particuliers
Si une interface ne possède aucune adresse, par exemple l'interface utilisée pour les liaisons PPP (Point to Point Protocol), et si la machine n'a pas d'identifiant EUI-64, il n'y a pas de méthode unique pour créer un identifiant d'interface. La méthode conseillée est d'utiliser l'identifiant d'une autre interface si c'est possible (cas d'une autre interface qui a une adresse MAC), ou une configuration manuelle, ou bien une génération aléatoire avec le bit u positionné à 0. S'il y a conflit (les deux extrémités ont choisi la même valeur), il sera détecté lors de l'initialisation de l'adresse lien-local de l'interface, et devra être résolu manuellement.
Opacité des identifiants d'interface
Les bits u et g n'ont de signification que pour les adresses de niveau MAC (adresse EUI-64 et EUI-48). Si, aux origines d'IPv6 (RFC 4291), le bit u conservait cette signification d'universalité, c'est qu'à l'époque l'identifiant d'interface dérivait majoritairement de l'adresse matérielle. C'est moins le cas aujourd'hui avec les IID temporaires aléatoires, voire cryptographiques (cf. paragraphes suivant). L'IETF a remis les choses au clair dans le RFC 7136 en précisant maintenant que "les identifiants d'interface doivent être considérés comme opaques et il ne faut pas tirer de conclusion de la valeur de tel ou tel bit". La dérivation d'un IID à partir d'une adresse matérielle reste inchangée mais, inversement, si on ne sait pas comment a été généré l'IID, on ne peut rien déduire de la signification des deux bits de poids faible de l'octet de poids fort de l'IID. N'attachez donc pas plus d'importance à ces bits qu'ils n'en n'ont réellement aujourd'hui.
Valeur temporaire aléatoire
L'identifiant d'interface basé sur des adresses MAC, comme indiqué précédemment, pourrait poser des problèmes pour la vie privée. Il identifie fortement la machine d'un utilisateur qui, même s'il se déplace de réseau en réseau, garde ce même identifiant. Il serait alors possible de traquer un individu mobile utilisant un portable, chez lui, au bureau, lors de ses déplacements.
Pour couper court à toutes les menaces de boycott d'un protocole qui «menacerait la vie privée », l'IETF a validé d'autres méthodes de construction d'un identifiant d'interface comme celle reposant sur des tirages aléatoires [RFC 4941]. Un utilisateur particulièrement méfiant pourrait activer ces mécanismes. L'identifiant d'interface est soit choisi aléatoirement, soit construit par un algorithme de hachage, comme MD5, à partir des valeurs précédentes, soit tiré au hasard si l'équipement ne peut pas mémoriser d'information entre deux démarrages. Périodiquement, l'adresse est mise dans l'état « déprécié » et un nouvel identifiant d'interface est choisi. Les connexions déjà établies continuent d'utiliser l'ancienne valeur tandis que les nouvelles connexions utilisent la nouvelle adresse.
Cette solution a été adoptée par Microsoft. Dans Windows XP, l'interface possède deux adresses IPv6 globales comme on le voit dans la figure 10. La première a un identifiant d'interface dérivé de l'adresse MAC. Elle sert aux applications attendant des connexions sur la machine (i.e. les applications "serveur"). Cette adresse est stable et peut être publiée dans le DNS. La seconde possède un identifiant d'interface tiré aléatoirement. Elle est changée tous les jours ou à chaque redémarrage de la machine et sert aux applications clientes. Dans Windows 7, ce comportement est généralisé car l'identifiant d'interface de l'adresse permanente est également issu d'un tirage aléatoire. Cela permet d'éviter de donner la marque de la machine ou le type de carte contenu dans les premiers octets de l'identifiant d'interface. Elle est également présente, mais de manière optionnelle, sur les systèmes d'exploitation Linux, BSD et Mac OS.
Bien entendu, pour que ces mécanismes aient un sens, il faut que l'équipement ne s'enregistre pas sous un même nom dans un serveur DNS inverse, et que l'enregistrement de cookies dans un navigateur Web pour identifier l'utilisateur soit impossible.
En contre-partie, il est plus difficile à un administrateur réseau de filtrer les machines puisque celles-ci changent périodiquement d'adresses.
Valeur stable opaque
L'identifiant d'interface dérivé de l'adresse matérielle pose le problème de la tracabilité des équipements nomades et de respect de la vie privée qui en découle. Cependant la il dipose de la propriété de stabilité (on éteint la machine et on la rallume, on est sûr de retrouver la même adresse IPv6) qui simplifie les tâches administatives (Ainsi, lorsqu'on regarde le journal des connexions, on peut facilement retrouver la machine qu'on a repéré. Et créer des ACL est simple, puisque les adresses ne changent pas). Le RFC 7217 propose une méthode de génération de l'IID opaque, ne révélant pas d'information relativement à la configuration matérielle, mais stable dans le temps. Le principe est de condenser (à l'aide d'une fonction de hachage telle que SHA-256 par exemple et de ne conserver que les 64 bits de poids faible) un secret (stocké dans une mémoire non volatile), un certain nombre de caractéristiques de la machine et le préfixe, de manière à avoir des identifiants stables, mais préservant quand même partiellement la vie privée de postes nomades : l'identifiant d'interface change quand la machine change de réseau, ne permettant plus de la suivre à la trace. Mais, si on reste sur le même réseau, l'adresse est stable. Le RFC 8064 a confirmé la pré-éminence de cette méthode sur la méthode dérivée de l'adresse MAC pour la procédure d'autoconfiguration sans état (qui sera décrite dans la séquence 3).
L'idée est que la machine aurait une (ou plusieurs) adresses temporaires, une (ou plusieurs) adresses stables et qu'on utiliserait l'adresse temporaire pour les connexions sortantes, et l'autre pour les entrantes. Cela fournit une bonne protection, question vie privée, mais au prix de quelques inconvénients. Comme rien n'est gratuit en ce bas monde, ces adresses compliquent la vie de l'administrateur réseaux : interpréter le trafic qu'on voit passer est moins simple (beaucoup de techniques de protection de la vie privée ont ce défaut).
Cryptographique
Si un identifiant aléatoire permet de rendre beaucoup plus anonyme la source du paquet, des propositions sont faites à l'IETF pour lier l'identifiant d'interface à la clé publique de l'émetteur du paquet. Le RFC 3972 définit le principe de création de l'identifiant d'interface (CGA : Cryptographic Generated Addresses) à partir de la clé publique de la machine. Elles pourraient servir pour sécuriser les protocoles de découverte de voisins ou pour la gestion de la multi-domiciliation.
Conclusion
Une interface de communication en IPv6 peut avoir plusieurs adresses unicast. Les adresses IP sont allouées temporairement. On parle alors d'une durée de vie d'une adresse qui est fait sa durée d'allocation. L'intérêt est de rendre la renumérotation c'est à dire le changement d'adresse rapide et automatique.
L'adresse unicast IPv6 est découpée en 2 parties. Une partie va servir à l'identification mais aussi à la localisation du réseau au sein de l'Internet. On parle de préfixe réseau. Nous avons étudié comment définir et organiser un plan d'adressage de manière hiérarchique afin de permettre la délégation pour une gestion décentralisée mais aussi rendre les préfixes agrégables, afin de constituer des tables de routage les plus concises possibles. Pour IPv6, vu la taille de l'espace d'adressage, cette caractéristique d'agrégation est essentielle. La seconde partie de l'adresse sert à identifier une interface au sein d'un lien. Nous avons présenté les différents modes de construction des identifiants d'interfaces.
Références bibliographiques
- ↑ RIPE NCC (2013), publiée sous licence CC-BY par Surfnet (www.surfnet.nl) Preparing an IPv6 address plan
- ↑ Internet society. (2014) Deploy 360 programm IPv6 Privacy Addresses Provide Protection Against Surveillance And Tracking
Pour aller plus loin
RFC et leur analyse par S. Bortzmeyer :
- RFC 3972 Cryptographically Generated Addresses (CGA)Analyse
- RFC 4291 IP Version 6 Addressing Architecture Analyse
- RFC 4941 Privacy Extensions for Stateless Address Autoconfiguration in IPv6 Analyse
- RFC 5375 IPv6 Unicast Address Assignment Considerations Analyse
- RFC 5887 Renumbering Still Needs Work Analyse
- RFC 6164 Using 127-Bit IPv6 Prefixes on Inter-Router Links :;m=Analyse
- RFC 6177 IPv6 Address Assignment to End Sites Analyse
- RFC 7136 Significance of IPv6 Interface Identifiers Analyse
- RFC 7217 A Method for Generating Semantically Opaque Interface Identifiers with IPv6 Stateless Address Autoconfiguration (SLAAC) Analyse
- RFC 7381 Enterprise IPv6 Deployment Guidelines Analyse
- RFC 8064 Recommendation on Stable IPv6 Interface Identifiers Analyse
- RFC 8065 Privacy Considerations for IPv6 Adaptation-Layer Mechanisms Analyse