MOOC:Compagnon Act03-f

From Livre IPv6

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Pourquoi IPv6 ?

IPv4 à l'origine de l'Internet

Au début des années 1980, alors que s'opérait l'interconnexion de différents réseaux informatiques pour créer l'Internet que nous connaissons aujourd'hui, IP s'est imposé comme le protocole standard de l'Internet. L'organisme de standardisation IETF spécifie la version 4 du protocole IP (IPv4) dans le document RFC 791, daté de 1981. En 1983, le réseau étasunien ARPANET choisit la pile TCP/IPv4 comme le standard de communication pour les équipements et les réseaux souhaitant se connecter. Ce choix s'est ensuite imposé sur l'ensemble des réseaux et des systèmes de ce qui allait devenir ensuite l'Internet.

Le protocole IPv4 a été un élément décisif dans le passage à l'échelle de l'Internet. Ses spécifications généralisent les propriétés importantes de connectivité globale et de contrôle de bout-en-bout. Elles définissent pour les adresses IP une longueur fixe de 32 bits. IPv4 permet ainsi de définir un nombre important d'adresses (232 soit plus de 4,3 milliards), donc autant d'identifiants attribués à chaque équipement connecté. Au moment où ont été définies ces spécifications, le réseau ARPANET comptait quelques centaines d'équipements. En 1987, ce nombre dépassa les 10 000 puis 160 000 à la fin de l'année 1989 [1]. La capacité d'adressage d'IPv4 semblait alors suffisante pour pouvoir répondre au besoin de nouvelles connexions, même si celui-ci augmentait rapidement.

Apparition des premières limitations

L'Internet n'avait pas été prévu pour supporter une telle croissance. Chaque nouveau foyer, entreprise ou établissement se raccordant à Internet crée de nouvelles demandes en adresses IP. De plus la topologie du réseau se complexifie avec la multiplication des sites et des opérateurs. Des projections ont alors montré que les politiques de fonctionnement de l'Internet alors en vigueur risquaient d'entrainer une pénurie très rapide.

Les organismes régulateurs de l’Internet ont donc modifié les politiques d'attribution des adresses afin d’éviter tout gaspillage de cette ressource limitée et ainsi maintenir le développement des réseaux IPv4. Le premier changement a concerné les opérateurs. Ceci se font vu imposé des nouvelles règles dans l'attribution des blocs d'adresses [2]

Une adresse codée sur 32 bits permet théoriquement d'adresser 2^32 machines, soit à peu près 4 milliards. Ce nombre pourrait paraître au premier abord très élevé, mais les ordinateurs ne sont pas numérotés séquentiellement. Ils sont regroupés par réseaux. À chaque réseau est affecté un numéro qui est codé sur une partie des 32 bits de l'adresse des machines. On s'aperçoit alors que le nombre de réseaux disponibles n'est pas si important que cela conduit à une pénurie. La tendance actuelle consiste à freiner au maximum l'allocation des adresses réseaux. Ce n'est pas un problème pour les sites déjà équipés disposant déjà de larges plages d'adresses. Cette contrainte est déjà forte pour les nouveaux sites dans les pays dits "développés" pour lesquels un grand nombre d'adresses a été réservé mais se révèle être un problème majeur pour les pays émergeants où parfois moins de 10 réseaux de 250 machines ont été attribués pour l'ensemble du pays.

Les équipements d'interconnexion des réseaux, orientant les paquets vers leur destination finale, sont des routeurs. Pour prendre leurs décisions, ils consultent une table dite de routage. Le nombre de réseaux dans l'Internet croissant de manière vertigineuse, ces tables de routage deviennent de plus en plus volumineuses et difficiles à maintenir. Pour pallier ce problème, une solution d'adressage hiérarchique permettent de réunir un ensemble de numéros de réseaux contigus en un seul préfixe a été conçue (CIDR : Classeless Inter Domain Routing). En plus de la réduction des tables de routage, CIDR permet aussi de réduire la sur-allocation d'adresses aux sites terminaux, réduisant quelque peu la pénurie d'adresses. Avec CIDR le propriétaire de l'adresse est modifié. Dans les plans d'adressage initiaux, le site était propriétaire de son préfixe, avec CIDR le préfixe devient la propriété de son opérateur, rendant la renumérotation du réseau nécessaire, si le site change d'opérateur. Cet adressage hiérarchique a montré son efficacité opérationnelle et les règles d'adressage actuelles pour IPv6 généralisent ce principe.

Nouveaux besoins d’adressage

L’Internet a créé des nouveaux usages. Il a fait naitre aussi de nouveaux besoins de communication. De nouveaux objets communicants apparaissent aussi bien dans le domaine domestique que dans l’industrie, dans les transports, dans le milieu médical... Les 4,3 milliards d’adresses (232) du protocole IPv4 s’avèrent aujourd’hui insuffisantes pour les nouveaux usages d'Internet. Tandis que les supports de transmission et les équipements ont évolué, le protocole IPv4 a gardé des fonctionnalités historiques devenues obsolètes aujourd'hui. En plus d'une capacité d'adressage accrue, le protocole IPv6 est un retour aux principes qui ont fait le succès d'IP, garantissant efficacité, résilience et perspectives d’évolution.

Nous avons décrit une analogie de l'acheminement des données dans l'Internet avec celui du courrier dans le système postal. Un élément fondamental dans ce système est que chaque maison, pour recevoir du courrier, doit posséder une boîte aux lettres. Cette boîte est identifiée de manière unique par une adresse postale qui est renseignée sur chaque enveloppe devant être distribuée dans cette même boîte. De la même manière, une adresse postale sert à identifier de manière unique l’expéditeur de la lettre. Par analogie, on peut rapprocher les notions dans le système postal de boîte aux lettres et d’adresse postale à celles, dans l’Internet, d’interface de communication et d’adresse IP. Les paquets IP sont émis et reçus à travers l’interface de communication. Ils sont acheminés à travers l’Internet vers la destination désignée par l’adresse IP contenue dans l’en-tête de chaque paquet.

BS: Reprendre l'analogie des numéros de téléphone plutôt que du système postal pour explique la pénurie

A la fin de la décennie 2010, les opérateurs de l’Internet ont commencé à ressentir sévèrement les effets de la pénurie des adresses IPv4 amorcée dès le milieux des années 1990. La prise de conscience de ce phénomène s’est amplifiée alors que les effets ont commencé à toucher le grand public, clients de ces opérateurs.

BS: Trouver des courbes permettant de rendre compte de l'augmentation de la pénétration d'Internet, ou du nombre d'équipements connectés

Reprenons l’analogie avec le système postal pour mieux comprendre ce problème de pénurie d’adresses IPv4. Les opérateurs de l’Internet font face à un besoin croissant de raccordements à l’Internet, notamment aujourd'hui avec la multiplication des centres de données et le développement de nouveaux usages à travers les objets connectés. Un scénario similaire serait celui d’un système postal devant s’adapter à une urbanisation effrénée. Chaque nouvelle habitation installe sa boîte aux lettres à laquelle il faut assigner une adresse postale. La contrainte, dans le cas de l’Internet, est que le stock d’adresses disponibles est limité. On est dans la situation où la numérotation des boîtes aux lettres d'une même rue serait codée uniquement sur deux chiffres (de 0 à 99 par). Alors que le nombre de ces boîtes augmentent, le système ne pourra plus assigner de nouvelles adresses lorsque la limite sera atteinte. De la même façon, confrontés à la limitation du nombre d’adresses IPv4 disponibles, les opérateurs de l’Internet ont des difficultés pour attribuer des adresses IP à chaque nouveau raccordement.

BS: Reprendre l'analogie des numéros de téléphone plutôt que du système postal pour explique la pénurie

Contourner la pénurie

Bien sûr, des solutions ont été trouvées pour contourner un problème qui aurait autrement signifié l’arrêt de l’expansion de l’Internet. En réalité, l’Internet a déjà connu un tel risque de pénurie au début des années 1990, lors de l’émergence de l’Internet commercial. Le nombre d’adresses IPv4 disponibles (4 milliards) semblait à ce moment suffisant.

Pascal: l’effondrement de l’Internet c'est quoi concretement si il n'y a plus d'adresse ? ce n'est pas la fin de la croissance plutôt; A développer

Le second changement a porté sur l'attribution des adresses aux systèmes terminaux. L'idée a été le partage des adresses. Un système ne possède plus une adresse mais doit utiliser une adresse partagée avec d'autres systèmes. Pour mettre ce nouveau mode d'attribution des adresses IP, des dispositifs techniques ont été introduits et des plages d'adresses ont été réservées pour leur mise en oeuvre. L'adresse IP à partager est attribuée à ce dispositif à charge à lui de la partager avec les systèmes d'extrémités qui lui sont connectés. La connectivité entre cet équipement et les systèmes d'extrémités est réalisé par un réseau privé ayant une plage d'adresses spécifiques (RFC 1918).

V: pourquoi ne pas mettre directement routeur, qui a déjà été introduit. Ce n'est pas clair !

Afin d'assurer l'interconnexion des réseaux privés avec l'Internet, ces équipements effectue une traduction d’adresses. C'est à dire l'adresse privée est remplacée par l'adresse publique à partager. Techniquement, ces équipements sont appelés des NAT (Network Address Translation) et se trouve dans les box Internet que vous avez chez vous.

V: mais NAT est un logiciel  !
Pascal: mettre un schéma du NAT

Ces équipements sont intrusifs et modifient en profondeur le mécanisme d’acheminement des paquets sur l’Internet, car ils exploitent des informations au delà de l’en-tête IP. C’est un peu comme si, dans le système postal, le facteur était obligé d’ouvrir l’enveloppe du courrier et de lire le contenu de la lettre pour en connaître le destinataire. Et comme le facteur ne connait pas toutes les langues, les contenus dont il n'est pas capable de déchiffrer, il jète la lettre. Vous en conviendrez que le service postal serait moyen si on peut dire ! Dans le cas de l'Internet, cela signifie qu'un nouveau protocole lorsqu'il est utilisé peut ne pas passer les NAT. Ces paquet sont jetés par le NAT dans la mesure qu'ils ne le comprennent pas. Ce comportement est très facheux car il bloque l'innovation sur l'Internet. Ce phénomène connu porte le barbarisme "d'ossification". C'est la conséquence du nom respect du principe de bout en bout. Ce principe dicte une règle de distribution des fonctions qui est central de l'architecture du réseau Internet. Il énonce que « plutôt que d’installer l’intelligence au cœur du réseau, il faut la situer aux extrémités : les noeuds au sein du réseau n’ont à exécuter que les fonctions très simples qui sont nécessaires pour les applications les plus diverses, alors que les fonctions qui sont requises par certaines applications spécifiques seulement doivent être exécutées en bordure de réseau. Ainsi, la complexité et l’intelligence du réseau sont repoussées vers ses lisières. Des réseaux simples pour des applications intelligentes. » [3] La première conclusion que nous pouvons tirer de la mise en place de cette solution à base de traduction d'adresse est que le principe fondateur de l'Internet et non respecté ayant pour conséquence d'empêcher son évolution.

L'autre effet de ce nouveau mode d'attribution des adresses est la complexité pour pouvoir joindre un système d'extrémité qui n'a pas d'adresse propre (on parle d'adresse publique). Traditionnellement l'interaction des applications communicantes se fait à l'initiative d'un client. Ce dernier contacte un serveur. Un client peut s'accommoder de ne pas avoir une adresse publique. Il en est tout différemment pour un serveur. Pour être contacté par le client, il doit avoir une adresse qui l'identifie sans ambiguité. Il lui faut donc une adresse publique qui lui est propre. Le nouveau dispositif de partage d'adresse n'est pas utilisable pour un serveur. Il s'ensuit que les systèmes d'extrémités ne sont plus équivalents vis à vis de l'adressage. La conséquence c'est selon la connectivité à Internet, le système d'extrémité est limité dans son rôle. Soit il ne peut être que client ou soit il peut avoir un rôle de client ou serveur. Avec le développement de la domotique, de l'internet des objets, des applications de téléphonie ou de visio conférences, il est nécessaire d'avoir des adresses propres. L'utilisation de ces services dans le contexte des dispositif de partage de l'adresse public, rend énormément compliqué leur accès et leur utilisation depuis un téléphone portable (Ceux qui ont installé une caméra IP dans leur domicile peuvent en témoigner). La seconde conclusion de l'introduction d'une connectivité à base d'un dispositif de traduction à l'impossibilité d'héberger simplement des serveurs avec des adresses privées.

Pascal: tout semble marcher en IPv4 mais ce n'est pas suffisant trop de limitation, à développer

La bonne solution à la pénurie

A défaut d’autres solutions, ces dispositifs se sont généralisés dans l’Internet et sont aujourd’hui nécessaires pour permettre l’acheminement des paquets IPv4. Cette séparation créée entre réseaux privés et réseaux publics pénalise la capacité de communiquer entre n'importe quel équipement connecté à l'Internet qui était à l'origine une propriété importante de l'Internet. Elle limite aussi l'introduction des nouvelles applications ou d'installer des serveurs simplement.

Au moment de cette prise de conscience de la pénurie d’IPv4, l’IETF, organisme responsable de la standardisation des protocoles utilisés sur Internet, a lancé des travaux pour définir une nouvelle version du protocole IP, travaux qui ont abouti en 1996 au standard IPv6 (RFC 8200). Cette nouvelle version du protocole IP offre notamment une capacité d’adressage quasi-infinie ce qui permet d’écarter le risque de pénurie. Il est donc possible grâce à la capacité d'IPv6 de déployer des nouveaux réseaux sans avoir besoin des dispositifs de translation d'adresses. La capacité d'adressage d'IPv6 permet d'attribuer aux équipements des adresses joignables directement, rendant ainsi de nouveau possibles les communications de bout-en-bout. Le rétablissement de cette propriété est indispensables pour les nouveaux usages de l'Internet que sont les objets communiquant, la santé ou l'agriculture connectée et les villes intelligentes.


La bonne solution n'est pas simple à déployer

Cependant, par conception, le protocole IPv6 n’est pas compatible avec IPv4 et ces deux versions de protocole devront cohabiter le temps de la transition de l’ensemble de l’Internet vers IPv6. Par analogie, l’ancien système postal qui ne permet pas directement d’adresser les nouvelles habitations sera amené à être remplacé par un nouveau système ayant ses propres boites aux lettres, adresses et format d’enveloppe. Les deux systèmes n’étant pas compatibles, il est toujours nécessaire pour envoyer et recevoir du courrier d’une habitation dans l’ancien ou le nouveau système de posséder une boite aux lettres pour chacun de ces systèmes. Les anciennes boites aux lettres ne seront plus utiles seulement lorsque l’ensemble des correspondants n’utiliseront plus l’ancien système. S’il peut être envisagé dans un système postal de remplacer unilatéralement une version par une autre à une date choisie, il n’en va pas de même avec l’Internet qui est un système multi-acteur faiblement coordonné. Chaque opérateur choisi indépendamment sa stratégie pour le passage à IPv6. Même si les incitations à accélérer la transition sont nombreuses, cette période de cohabitation entre les deux protocoles peut potentiellement durer encore des années. Nous reviendrons sur ce problème de la cohabitation entre les 2 versions du protocole IP dans la suite de ce cours.

PA: Il manque une conclusion qui résumé et qui soit positive

Références bibliographiques

  1. Internet History of 80s, https://www.computerhistory.org/internethistory/1980s/
  2. Wikipedia, Classless Inter-Domain Routing.
  3. Lawrence Lessig, L'Avenir des idées, 2005, Presses universitaires de Lyon, 1re partie, paragraphe 75 dans l'édition numérique des Presses.

Pour aller plus loin

RFC et leur analyse par S. Bortzmeyer :

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